Pour cette nouvelle incursion lumière, nous sommes aujourd’hui emmenés vers un Londres victorien aux relents Steampunk aux références Frankesteiniesques. Si ce n’est pas mon texte préféré de la collection (dont c’est le 15e), et malgré quelques éléments m’ayant peu convaincue, je ressors de ma lecture avec un sentiment global très positif.

Les attracteurs de Rose Street
Auteur : Lucius Shepard (Traduction par Jean-Daniel Brèque)
Paru aux Éditions Le Bélial dans la collection Une Heure Lumière en août 2018. VO parue en 2011
Pages : 128
4ème de couverture
Londres, fin du XIXe siècle. Une métropole enfumée, étouffant sous le smog et les remugles de l’industrialisation en pleine explosion… Samuel Prothero est aliéniste. L’un des meilleurs de sa profession. Membre du sélect Club des Inventeurs, jeune homme respecté, son avenir est tout tracé dans cette société victorienne corsetée. Jusqu’à ce que Jeffrey Richmond, inventeur de génie mais personnage sulfureux, sollicite son expertise sur le plus étrange des cas. Troublante mission, en vérité, pour laquelle le jeune Prothero devra se résoudre à embrasser tout entier l’autre côté du miroir, les bas-fonds de la ville-monde impériale et ceux, bien plus effrayants encore, de l’âme humaine…
Les attracteurs de Rose Street met en scènes deux hommes membres du Club des Inventeurs : Samuel Prothero, un aliéniste (ancêtre du psychiatre) et Jeffrey Richmond, inventeur reconnu, mais fui pour ses connexions peu recommandables aux yeux de la « haute société ». Le second va mandater le premier afin de l’aider dans une entreprise nébuleuse.
C’est ainsi que Samuel va se retrouver dans le sordide quartier de Saint Nichol où est sise la miteuse Rose Street. Déchéance, mort et vices s’y côtoient loin de beaux quartiers. C’est ici que Jeffrey a établi demeure, dans l’ancienne maison close que tenait sa sœur, Christine, décédée dans d’étranges circonstances. C’est également le cabinet des inventions de ce même protagoniste qui y développe des machines, attracteurs, qui visent à purifier l’air londonien. Mais il semblerait que ces machines attirent d’autres choses que l’air vicié de la métropole enfumée… et c’est pour y trouver des explications que Jeffrey a mandaté Samuel.
Débute alors « l’enquête », qui, disons-le nous est assez morne et inintéressante, enfin, sauf si vous aimez lire des personnages parlant à des fantômes pour ne rien apprendre. Cependant, Samuel, à l’aide d’interrogatoires de Jeffrey et des deux habitantes de la maison qui y pratiquaient leur activité avant le décès de leur maquerelle, commence à comprendre ce qui se cache au-delà du nuage de fumée voilant les réponses recherchées par Jeffrey Richmond.
Si je n’ai pas particulièrement apprécié les personnages, très classiques, passifs et froids, les révélations de l’intrigue traduisent intelligemment de l’hypocrisie qui en habite certains. La novella pose également des questions sur les motivations profondes de ces derniers : Et si la dérive que subissent les attracteurs était-elle vraiment due au hasard ?
En revanche, la force de ce texte, et quelle force infinie, celle qui fait que j’ai apprécié ce texte est son ambiance. Les attracteurs de Rose Street est définitivement un récit d’ambiance. Lucius Shepard, dont c’est le premier titre que je lis, réussi à placer son lectorat immédiatement dans une ambiance évocatrice, glauque, enfumée et viciée. Le smog épais, l’atmosphère gothique qui serpente dans les rues de la ville et oppresse tout sur son passage. Au point que j’ai parfois eu envie de regarder derrière mon épaule pendant ma lecture, me demandant qui ou quoi pourrait me suivre, m’épier. Et c’est en ça que ce texte m’a séduite. Pour son atmosphère et sa prose brillante.
Je vis un vieillard sur un perron, sa bouche édentée ouverte sur un sourire d’anticipation, occupé à étriper la carcasse écorchée d’un animal aussi gros qu’un shetland. Je vis deux prostituées prodigieusement grasses se rouler dans la boue, s’arracher les vêtements, leur chair pâle souillée d’immondices. Je vis ce qui ressemblait à un cadavre d’homme gisant à l’entrée d’une ruelle, un rat reniflant ses pieds nus, et, tout près de la maison de Richmond, je vis un enfant en haillons, les membres frêles comme des allumettes, que fouettait une créature au crâne rasé, vêtue d’un tablier impuissant à dissimuler ses mamelles et dépourvue d’un pantalon qui aurait pu cacher des jambes poilues et couvertes de croûtes. Toute cette misère grotesque, au sein de bâtiments en brique effrités et noircis par la suie, dont les étages se perdaient dans le brouillard, faisait de ces rues le fond d’un ravin comme il en court dans doute dans l’un des districts périphériques de l’enfer.
En résumé : Un texte qui sort du lot par sa prose brillante et son atmosphère hantée par les spectres du smog. Récit d’ambiance glaçant qui ne mérite d’être lu rien que pour ce dernier aspect
Et vous, qu’en avez-vous pensé ?
Défi 2022
Cette lecture ne s’inscrit pas dans mon défi 2022, ayant déjà validé toutes les catégories auxquelles elle peut appartenir. Voici la catégorie identifiée.
- Catégorie 22 : Un livre dont un des personnages a un secret
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Divulgachage : l’écriture de Lucius Shepard est toujours de ce calibre. Les deux autres novellas de l’auteur publiées en UHL sont encore meilleures, parce que les intrigues sont elles aussi au niveau.
Et du coup, tu es aussi parée pour découvrir « Le Dragon Griaule ». 🐲
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Je prends note de tout ça 📝
Et il faudra que je découvre le Dragon Griaule, ça semble être un incontournable !
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