Trystero – Laurent Queyssi

Trystero est un roman intéressant. Métatexte dystopique, c’est une ode à la lecture et à l’écriture.

Trystero

Auteur: Laurent Queyssi

Paru aux Éditions Mnémos, label Mü en avril 2024.

Pages : 192

4ème de couverture

Pour avoir créé un signe de reconnaissance repris par une génération de résistants à une Europe dévoyée, corrompue et autoritaire, Bruno Trivanen va être emprisonné. L’État lui volera tout, jusqu’à son nom, qui se retrouvera sur la couverture de romans qu’il n’a pas écrits.
Enfin libéré et quasiment assigné à résidence, il entreprend de rédiger ses mémoires, bâties comme un témoignage de son parcours, où il va raconter en détail le processus de création pour de futurs et improbables apprentis.
Quand, au détour d’une promenade, il rencontre Tristan, un jeune homme vivant en marge de la société, l’écrivain comprend que les symboles et les idées dépassent souvent, et de loin, leur créateur.
Trystero est un regard délicat et lucide sur la création, la somme d’une existence riche et tumultueuse, le roman d’une vie entre réalité et fiction dans un monde où chaque pensée critique est un crime.
Laurent Queyssi nous questionne, à travers les souvenirs d’un auteur qui a connu le succès, sur le pouvoir des mots et la portée de la pensée critique.


Trystero c’est un texte déroutant, tout d’abord par sa forme qui n’est, honnêtement, pas celle que j’attendais. Récit autobiographique fictif, l’histoire nous est contée sous la forme d’un guide d’écriture à l’attention de l’apprenti auteur.

Bruno Trivanen raconte, entre les lignes et distillant conseils avisés et indices, comment il s’est retrouvé emprisonné et remplacé, alors qu’il n’était qu’un simple auteur à succès. Engagé, fougueux et parfois un peu sulfureux, ses récits de science-fiction largement adaptés à d’autres medium n’ont simplement pas plu au gouvernement en place qui s’est alors aussitôt chargé de ré-écrire le narratif, un peu à la manière d’Orwell dans 1984. Si Bruno Trivanen n’est pas vraiment révolutionnaire, l’ironie du sort fait que son travail est devenu, malgré lui, un symbole contestataire et résistant.

Je n’avais jamais cru à la révolution – un tour sur soi-même pour revenir au point de départ – mais je me plaisais à admirer le soulèvement.

Critique sociétale

L’un des point clé de ce récit, c’est sa critique de la société et plus particulièrement de son versant politique. Le récit est sis en France, dans un futur plus ou moins lointain (les humains peuvent être dotés d’implants cybernétiques). Le pays est régi par l’Alliance, qui à l’inverse du système politique actuel, n’hésite pas à utiliser la force afin de garantir l’intégrité de son narratif : une dictature. Là où c’est intéressant selon moi, c’est que c’est un futur dont nous ne sommes pas si loin. Il suffit de constater le rebalancement des échiquiers politiques à l’échelle mondiale ou régionale, et à la polarisation des idées de plus en plus marquée qui s’effectue dans toutes les sphères sociétales. Une dictature comme celle-ci est, malheureusement, loin d’être un scénario improbable.

« La lecture. Tout part de là. » – Ode à la lecture

Un autre pan du roman que j’ai beaucoup apprécié, c’est l’ode à la lecture et au texte qui est offert par les auteurs (tant Bruno Trivanen, auteur et protagoniste du roman, que Laurent Queyssi, auteur non fictif de Trystero (qui est aussi un roman de Bruno Trivanen)).

Trystero c’est une ode à la lecture, à ce qu’elle nous apporte, tant dans son rôle d’évasion, de ralentissement dans un quotidien effréné, que de pierre angulaire de la construction de soi et de ses réflexions. En tant que lectrice, et fervente défenseure du livre, son pouvoir, ces mots et idéaux ont forcément fait écho. J’ai également trouvé intéressant ce parallèle entre la mise sur un piédestal de la lecture, mais également de sa désacralisation.

Les fictions ne sont pas sacrées. On peut les abandonner et les reprendre plus tard, ou jamais, les relire plusieurs fois ou au contraire les laisser sur une étagère. Elles ne nous en voudront pas.

Poétique

Finalement, un petit mot sur les mots de ce texte, leur arrangement pour créer des phrases cohérentes : C’est beau et poétique.

Je ne connaissais Laurent Queyssi que pour ses traductions, mais j’ai été séduite par son style. Beaucoup de jolies phrases, de nouveaux mots ajoutés à mon dictionnaire, sans être non plus pédant, et dont vous aurez eu quelques extraits. C’est probablement l’un des livres dont j’ai relevé le plus de citations (près de 30) depuis que je tiens ce blog. C’est finalement presque une ode également à la langue française, à sa richesse.

Comme beaucoup des textes que je lis ces temps, c’est un texte avec peu d’action, qui peut le faire paraître lent malgré ses « seulement » 192 pages. C’est quelque chose qui peut être un frein pour certain-e-s lecteur-trice-s, je le comprends. Il m’a d’ailleurs fallu une quinzaine de jours pour le lire.

En résumé : Trystero est un roman fort, déroutant, réflexif, qui ne conviendra définitivement pas à tous. C’est un roman riche, de sens et d’idées. Tendre, mais dur, cela n’a pas été une lecture simple, mais une lecture forte.

Merci aux éditions Mnémos, et plus particulièrement à Estelle Hamelin, pour l’envoi en service presse de ce titre.

Et si j’ai annoncé que ce livre ne rassemblerait pas mes mémoires, il sera forcément contaminé par mes souvenirs.


Et vous, qu’en avez-vous pensé ?

Cette lecture s’inscrit dans la complétion du Défi Lecture Imaginaire 2024 dans la catégorie P5D5 : Un livre contenant des notes de bas de page.

Ailleurs sur la blogosphère

5 réflexions sur “Trystero – Laurent Queyssi

  1. Ping : Trystero, Laurent QUEYSSI – Le nocher des livres

  2. Ping : Retours | Laurent Queyssi

  3. Ping : Trystero – Laurent Queyssi – L'épaule d'Orion

Laisser un commentaire